L’Abbaye Sainte Hildegarde à travers l’histoire
Notre abbaye, située au-dessus de la ville de Rüdesheim n’est pas un édifice roman comme certains pourraient le croire. Elle ne fut construite qu’au début du 20ème siècle. C’est par l’ancien couvent d’Hildegarde, fondé à Eibingen dans le Rheingau que nous nous sentons virtuellement rattachées à elle et à son œuvre. En 1150, Hildegarde de Bingen fonde son premier monastère de Rupertsberg à l’embouchure de la Nahe. Comme le nombre d’entrées dans les ordres ne cesse de croître et que de plus en plus de jeunes femmes demandent à rejoindre sa communauté conventuelle, Hildegarde décide de s’installer, en 1165, dans un ancien double monastère des Augustins à Eibingen, près de Rüdesheim. Le monastère de Rupertsberg ne résistera pas au déluge de la guerre de Trente Ans et sera détruit par les Suédois, en 1632. Les sœurs, qui avaient dû fuir, y retourneront pourtant en 1636 mais n’y trouvant plus qu’un bâtiment en ruine, impossible à restaurer, se verront obligées de chercher refuge au monastère d’Eibingen. En 1642, la dernière abbesse de Rupertsberg, Anna Lerch de Dürnstein se retire. Les 150 années qui suivront seront marquées par de nombreux et terribles fléaux : famine, peste, guerres dévastatrices s’abatteront sur le monastère d’Eibingen.
En 1803, le couvent est dissous au cours de la sécularisation. La vie monastique à Eibingen s’éteint. L’église du monastère est reprise par la paroisse et c’est là symboliquement, que sont gardées et vénérées les reliques de Sainte Hildegarde. Depuis 2002, une de nos sœurs de l’abbaye Sainte Hildegarde s’occupe de l’encadrement des pèlerins à Eibingen, rattachant ainsi l’ancien au nouveau monastère d’Eibingen.
PROJET D’UNE NOUVELLE FONDATION
C’est à l’évêque Peter Josef Blum de Limburg (1842-1883) que nous devons le projet de fonder un nouveau monastère destiné à faire revivre l’ancienne maison religieuse d’Eibingen et indirectement celle de Rupertsberg, détruite en 1632 par les Suédois. Grâce à ses efforts et ceux de Ludwig Schneider, prêtre d’Eibingen de 1840 à 1864, la vénération pour Sainte Hildegarde reprend, au 19ème siècle, un nouvel élan déterminant. L’évêque Blum, suspendu de ses fonctions lors du conflit entre Gallicans et Ultramontains des années 1876 à 1883, trouve asile, chez le Prince Charles de Löwenstein-Wertheim-Rosenberg, au château de Haid en Bohême. Son successeur, l’évêque Dr. Karl Klein, également très proche de la famille princière lui confiera, dès le début, ce projet de faire renaître la vie monastique d’Eibingen.
Le Prince l’écoute avec grand intérêt car il y voit l’occasion de restituer à l’Église les biens sécularisés qui avaient été cédés à sa famille par un décret de 1803, le «Reichsdeputationshauptschluß». Sa fille aînée Bénédicte, une sœur de l’abbaye Sainte Cécile à Solesmes en France deviendrait la première abbesse de la nouvelle abbaye. Lorsque celle-ci meurt inopinément le 2 juillet 1896, âgée à peine de 36 ans, le Prince de Löwenstein reste malgré tout fidèle à sa promesse et ne recule devant aucun effort financier et sacrifice personnel pour la construction de la nouvelle abbaye.
Celle-ci devait être construite en haut du village d’Eibingen . Le matériau de construction – un grès entremêlé de quartzite – est directement extrait sur place, de la roche. C’est le Père Ludger Rincklage, moine à l’abbaye de Maria Laach et architecte de formation qui prend la direction des plans et des travaux. Le 2 juillet 1900, le Père Abbé Placidus Wolter de Beuron, venu remplacer dans la région l’évêque malade Dominikus Willi, pose officiellement la première pierre du nouveau monastère.
DÉBUT DE LA VIE MONASTIQUE
Après quatre ans de travaux gigantesques, l’édifice est quasi achevé. Le 17 septembre 1904, 12 sœurs bénédictines originaires de l’abbaye Saint Gabriel à Prague, première maison monastique de religieuses appartenant à la congrégation de Beuron, viennent s’installer dans la nouvelle bâtisse. Par deux décrets du Pape Léon XIII en 1908, le prieuré est élevé au rang d’abbaye et doté de tous les droits et privilèges de l’ancien monastère de Sainte Hildegarde.
En tant qu’abbaye “exempte”, elle n’est pas subordonnée à l’évêque local mais dépend directement du Saint Siège à Rome. Le 7 septembre 1908, les peintures de l’église réalisées par P. Paulus Krebs de Beuron et ses élèves sont si avancées que l’église peut déjà être consacrée par l’évêque de Limburg Dominikus Willi. Un jour plus tard, Reginstrudis Sauter, prieure du monastère reçoit la bénédiction solennelle et devient première abbesse de la communauté conventuelle. Elle est ainsi la 36ème descendante de Sainte Hildegarde sous laquelle est placée la protection de l’abbaye et de l’église.
Le nombre de religieuses ne cessera ensuite de croître. La communauté arrivera à surmonter les difficultés de la première guerre mondiale 1914 – 1918 et de l’après-guerre avec son inflation, grâce à l’aide de Dieu et à une bonne gestion interne rationnelle. La construction de l’aile est, laissée jusqu’alors en suspens va, après la première guerre mondiale (1918– 1939) être enfin achevée et seront aménagées officiellement une aile du noviciat et une salle du chapitre.
L’ABBAYE SAINTE HILDEGARDE PENDANT LA DEUXIÈME GUERRE MONDIALE
Sous le régime autoritaire du National-Socialisme et pendant la deuxième guerre mondiale, la communauté conventuelle de l’abbaye devra supporter de lourdes épreuves. Dès mai 1941, l’abbesse Regintrudis Sauter fait aménager une partie de l’abbaye en hôpital et y met à la disposition de la Wehrmacht 20 sœurs pour s’occuper des blessés et du travail administratif, dans l’espoir d’éviter ainsi la dissolution de l’abbaye. Sa demande ne sera pas exaucée puisque le 2 juillet 1941, jour du 41ème anniversaire de la fondation, les 115 religieuses seront expulsées par la police secrète de l’état (la Gestapo). L’abbaye sera saisie, les biens confisqués.
Une grande partie de la communauté est alors recueillie dans différentes oeuvres caritatives, notamment dans les Congrégations de Waldbreitbach et de Dernbach ainsi que chez les Borroméennes à Bingen. Pendant la guerre, les sœurs d’Eibingen vont travailler dans des hôpitaux et dans d’autres endroits. Une petite partie de la communauté d’Eibingen est restée à l’abbaye, au service de la Croix-Rouge pour soigner plus d’une centaine de blessés et assumer les tâches journalières de l’hôpital. En novembre 1944, des bombardements détruisent une grande partie de la ville de Rüdesheim. L’abbaye est épargnée. Mais la destruction de l’hôpital militaire central d’Eibingen et de sa salle d’opération l’oblige d’urgence à augmenter le nombre de lits à 325. Quelques semaines avant la fin de la guerre, le 19 mars 1945, l’hôpital est fermé. Quelques jours plus tard, les troupes américaines entrent dans Rüdesheim. L’abbaye sera vite restituée aux sœurs. Pendant 10 ans, une partie des bâtiments sera aménagée pour héberger les personnes plus âgées, sans abri après les bombardements de la ville ainsi que des réfugiés venus de l’Est.
DÉVELOPPEMENT DE L’ABBAYE APRÈS 1945
Jusqu’au 2 juillet 1945, 45 ans exactement après la pose de la première pierre, les bâtiments vont être petit à petit remis en état par une grande partie des sœurs, revenues les unes après les autres et par de nombreux travailleurs bénévoles. Les dernières sœurs peuvent enfin rentrer et la vie conventuelle reprendre son cours normal sous la direction de l’abbesse Regintrudis Sauter toujours aussi dynamique à 80 ans. Le nombre croissant de jeunes filles rejoignant la communauté permet à celle-ci de se reconstruire progressivement et de reprendre un nouvel élan.